Article hommage réalisé pour le Magazine Dissemblances
Ground control to Major Tom : l’étoile Bowie a explosé...
Sans école, sans genre, sans sexualité définie, cet homme infini tel l’Univers en expansion n’a jamais cessé de grossir, de se déployer, de s’étendre. Jusqu’à ses dents trop nombreuses pour sa mâchoire trop étroite – dentition recréée par l’artiste Jessine Hein. Jusqu’à son oeil gauche et sa mydriase qui donnera cette impression d’yeux vairons. Même la pupille de Bowie s’étend. Jusqu’à l’explosion.
Homme de conquête et d’odyssées, le chanteur fit aussi des détours par le cinéma où il enfila les costumes comme des secondes peaux. Incarnant un fantôme dans le court métrage The image, Un extraterrestre dans L’homme qui venait d’ailleurs, un officier prussien dans C’est mon gigolo, un ganster dans Everybody Loves Sunshine, un physicien dans le Prestige, Ponce Pilate dans La dernière tentation du Christ ou encore Andy Warhol dans le film Basquiat. Il interprétera aussi sur les planches de Broadway le personnage d’Elephant man, sans aucun maquillage.
Vie d’homme halluciné, extrême et total, comme lorsqu’il sort son album Station to Station. Le plus cocaïné de tous les albums de Bowie, où se fait jour musicalement un Bowie complètement défoncé que vous pouvez apercevoir dans le documentaire Cracked Actor, où il apparaît plus halluciné que jamais.
Semblant épouser la schizophrénie pour ne pas qu’il la submerge – comme son demi-frère suicidé, son « bewlay brother » -, toute sa vie David Bowie n’a cessé de disparaître. Pour nous revenir toujours autre.
Artiste inclassable, traversé par tous les styles musicaux (folk, punk, rock, glam rock, soul, funk, disco, techno, drum and bass, electro…), aujourd’hui l’exposition à la Philharmonie de Paris qui lui rendit hommage en 2015 intitulée David Bowie is n’a jamais porté aussi bien son nom. Car cet artiste là ne peut pas mourir. Car même dans la mort il créa. Nous envoyant un dernier album, véritable épitaphe extraterrestre.
Le 8 janvier 2016, jour de son 69ème anniversaire, David Bowie balançait sur les ondes Black Star ★. Sorti parallèlement à la diffusion mondiale du nouvel épisode de Star Wars, l’album nous apparaissait comme une station spatiale de combat surpuissante jamais construite capable de détruire une planète toute entière. « L’engin le plus puissant de tout l’univers » comme le rappelle l’amiral de l’Empire Galactique Conan Antonia Motti dans l’épisode VI. Et trois jour plus tard il décédait. Faisant apparaître Black Star ★ sous un nouveau jour.
Le dernier jour d’une étoile, disparue de l’univers médiatique depuis 2013, combattant la maladie. A l’image de ces étoiles noires primitives invisibles à l’œil nu, extraordinairement massives, qui auraient illuminé fugacement l’Univers 200 millions d’années après le Big Bang, donnant naissance aux étoiles classiques. Des monstres rayonnants qui ont réussi l’impossible : détruire les particules de matière noire présente en leur sein. Particules de matière noire qui firent hélas succomber l’artiste qui semble avoir livré à ses fans avec cet album un majestueux dernier souffle, un dernier combat.
Black Star ★ est une supernova. Apparu brièvement comme une étoile nouvelle vue de la Terre, il n’était en fait que le rayonnement ultime annonçant sa disparition. Aujourd’hui reparti dans l’Univers, l’homme étoile attend de nouveau dans le ciel, souhaitant nous rendre visite, mais s’inquiétant de trop nous éblouir.
→ Pour plus de Bowie : la rediffusion du documentaire David Bowie est un fantôme, le plus vivant et le plus invisible à la fois, de Gaëtan Chataigner et Christophe Conte
Et pour savoir ce que David Bowie faisait à ton âge : Le site supbowie.com